Blog de bodyboard plus qu'amateur, de trips et de diverses conneries finistèriennes.

16 février 2006

Trip Chili - Suite à 2

San Pedro de atacama marque le retour d'Emilie qui repart à Santiago pour y prendre l'avion. Ac et moi, de notre côté, décidions de retourner à Arica pour quelques jours...

Malheureusement, cette fois le swell était totalement absent nous obligeant à scorer le plus grand nombre d'étoiles possible au WCT. Après une victoire au la main en remportant les trois dernières étapes, le flat, le mauvais temps et un soupçon d'amertume auront finallement raison de la date de mon départ. Je décide de quitter Arica pour La Serena et de laisser AC seule.

La Serena - Coquimbo:

Située à 400 kms au nord de Santiago, la Serena est une ville plus aisée que les précédentes, qui, mise à part sa place des armes, ses halles et son architecture coloniale ne présente pas grand intéret pour un passage furtif comme le mien (1 jour et 2 nuits).

Coquimbo est une petite ville côtière à flancs de colline donnant vue sur La serena et la cordillère lointaine.











Anne-claire à Arica:


Alors que je finis mon trip à La serena et que je m'apprête à rentrer en terre bretonne, AC continue son voyage et, d'après les rumeurs qui courent à Santiago, a trouvé un travail....son récit:

C'étais triste de voir Machou rentrer à son tour mais le Chino, immédiatement auto-proclamé mon grand frère, a noyé seul notre chagrin dans du pisco car il me fallait rester sage pour partir tôt à Iquique le lendemain. N'ayant passé que trois jours là-bas, mes observations sont peu sûres. Certaines ont néanmoins été confirmées par l'unique et extraordinaire rencontre que j'y fis, alors je vous les livre. Le fait qu'Iquique et Arica soient sensiblement de la même taille (respectivement 200 000 et 160 000 habs) et possèdent la même configuration facilite les comparaisons: plus séduisante qu'Arica, Iquique a "du cachet" avec ses fontaines, ses grandes maisons coloniales et sa dune, mais on sent rapidement que l'ambiance y est moins drôle. Les rues principales se vident à l'heure où celles d'Arica grouillent car le centre se décentre vers la zone des nouveaux riches et les Iquiquéniens sortent peu par crainte des "bandes". L'ignorance générale du précepte "vivons heureux, vivons cachés" souligne des injustices que rien ne vient amortir: si une part de la population réussit et le montre, voir des sidaïques d'à peine quinze ans mendier pour leurs soins témoigne de problèmes sociaux communs à tous le pays mais exacerbés à cet endroit. Les facteurs sont multiples: société bloquée, drogue, décalage entre la conduite prescrite par la très influente église et les moeurs effectives des gens (pas de campagne pour la contraception+ capotes en vente seulement en pharmacie)... En deux mots, cette ville est jolie mais un peu malsaine et le soir, il n'y a rien à faire.

Le front de mer est plus fréquenté qu'à Arica, surtout par les touristes et les grappes de lycéens en uniforme qui viennent griller leur clope entre deux cours ou suivre leurs cours de sport sur la plage. Des vagues de qualité déferlent sur la série de reefs et le beachbreak qui s'étendent du port à la sortie sud de la ville. Leur type varie de puissant et creux à très-creux-très-épais-qui-double, leur fréquentation oscille entre personne le matin et vingt bodyboardeurs plus deux surfeurs sur un bon pic l'après-midi, et leur abordabilité s'échelonne de "abordable quoique creux" pour le beachbreak à "!!!" avec la Bestia pour les cinglés. Une houle d'un bon mètre cinquante rentrait proprement, j'ai surfé chaque demi-journée et commencé à vraiment m'amuser avec le shortboard.

J'ignore ce que ces remarques valent sur le long terme, mais bon, en vrac:
- les surfeurs locaux et étrangers sont beaucoup plus nombreux qu'à Arica, alors les locaux sont des locaux, c'est-à-dire pas des locos au sens chilien encore qu'ils peuvent aussi être locos comme dirait Machu, et l'atmosphère s'en trouve assez tendue.
- le salut n'est pas de rigueur. Les surfeurs savent néanmoins répondre à un "hola" qui les surprend. Ce n'est pas vraiment facile d'engager la conversation, mais c'est possible.
- le niveau de surf est plus élevé qu'à Arica.
- l'éparpillement des spots oblige la population de surfeurs à être mobile, aucun endroit ne la polarise comme la Isla, le surf est donc plus anonyme.
- quand vous voyez trois shortboards sur un pic, comptez des étrangers parmi eux; les bodyboardeurs sont largement majoritaires à l'eau, ce qui n'a rien de surprenant vue la tête des vagues. Iquique est un peu tubeland-avec une eau couleur turquoise-c'est d'ailleurs magnifique, surtout à la tombée de la nuit.

Je suis rentrée pour commencer à travailler dans l'unique construction de la Isla Alacran, une baraque sans eau courante ni électricité nommée "Rollin' coffee El Gringo". Au fait de la désaffection du café, je ne m'attendais pas à faire des completos à tour de bras, mais n'imaginais tout de même pas être payée à ne rien faire sinon lire, boire du thé, regarder les vagues et jouer avec un chat rebaptisé "Lechat"! A défaut d'être rémunérateur, ce job contemplatif s'est avéré idéal d'une part pour rencontrer des gens charmants, qu'il s'agisse des pêcheurs d'oursins et des surfeurs de la Isla ou de la bonne société ariquénienne en promenade dominicale, et d'autre part pour voir tourner le moteur à explosion El Gringo, lancé dès le deuxième jour par l'arrivée d'un nouveau swell. Des vagues tubulaires d'un bon mètre cinquante furent shootées aussi bien en gauche qu'en droite par Diego Medina (m'a-t-on dit) et deux yeux bleus sous une capuche dont j'appris le lendemain qu'ils étaient ceux de Jaime, un ariquénien adorable chez qui j'emménageai le surlendemain.

Située dans le centre, la casa de Jaime est une grande maison de style colonial bleu électrique aux pièces immenses et surmontée d'une terrasse avec vue sur "Arica siempre Arica". Deux autres surfeurs y vivent: Javier et Yoyo. Premier échange avec Javier: il vient de traverser Arica en courant avec un ananas vide dans la main et me demande, à bout de souffle et d'un ton anxieux: "Tu crois que c'est bien pour faire pousser du shit ?". Je n'ai pas spécialement d'avis, alors il hésite puis décrète qu'on essaiera : on verrait bien. La discussion dérive sur le foot jusqu'à ce qu'il estime venue l'heure de réintégrer discrètement les cuisines du restau où il travaille. Prêt à sortir, il repasse la tête par la porte: "au fait, bienvenue! tu t'appelles comment?". DJ d'un bar nommé Chill-out, Yoyo est attentionné, très réfléchi et autodidacte. Il tente de proposer avec sa musique une alternative intéressante au reggaeton. Enfin, Jaime a beau shooter chaque matin El Buey ou El Gringo au petit-déjeuner, il préfère rester discret sur ces sessions parfois solitaires et fait preuve d'une gentillesse incroyable. Entre les copines et les potes, la maison voyait défiler pas mal de monde. Une partie de la petite troupe qui surfe El Gringo a débarqué dès le deuxième jour avec des quantités d'oursins pêchés l'après-midi en vue de faire un "assado". Leur rencontre a révélé le caractère sinon faux, du moins très partiel du profil qui nous semblait, à Machu et moi, correspondre au surfeur ariquénien: plutôt favorisé par rapport au niveau de vie local, il bosse dans la pêche (beaucoup d'agronomes), possède une caisse ainsi que l'équipement d'un surfeur européen ou américain moyen, même s'il le remplace moins facilement. Nous ne nous levions pas assez tôt pour croiser la "célesta" une voiture bleu ciel dans laquelle s'entassent Eddie, Carlos, Jaimer, Kevin et cie quand ce n'est pas dans le camion de Chato, un chauffeur et peintre amateur fan de Van Gogh. Les inconditionnels du Gringo et le groupe qui surfe plutôt la Isla et les plages se mélangent peu et j'avoue avoir eu un faible pour les premiers, vraiment irrésistibles. La scène de la vaisselle fut vraiment marrante: Gordito ("le petit gros"; beaucoup de chiliens se trouvent affublés de surnoms improbables et si collants qu'ils en oublient comment ils s'appellent) était visiblement la cible de ses potes, lesquels l'avaient déjà présenté en choeur: "il n'aime rien faire !". Tous se battaient pour échapper à la corvée dont ils m'avaient déjà écartée en tant qu'invitée, avant de s'accorder par signes sur la victime habituelle: le plus paresseux. Pas dupe du complot, Gordito restait les bras croisés sur sa chaise, pressentant que ça allait mal tourner pour lui s'il se levait. Chato a néanmoins réussi à l'envoyer dans la cuisine sous un prétexte bidon. Tout le monde en a profité pour se tirer en courant, le laissant jurer que c'était bien la dernière fois, mais alors la dernière, et que ça n'allait pas toujours se passer comme ça! Comme il a fini par s'exécuter, ses potes l'ont félicité: tout laissait croire qu'il avait fait preuve de bonne volonté. Jaime a éclaté de rire en rentrant par la suite dans la cuisine: la vaisselle était à peine entamée.

CONSEILS:

- doucement avec le "clavo oxydado" (ou clou oxydé) si vous ne voulez pas voir de nains de jardin surfer El gringo.
- ne passez à La serena que si vous avez le temps de faire une ou plusieurs excursions (vallee del Elqui, observatoire astronomique européen....).
- nombreux beachbreaks à La serena mais le swell rentre difficilement et il y a beaucoup de courant (sans parler du froid).
- prévoir un budget plus conséquent pour La serena.
- résidencial Grégoria Hernandes à La serena, pas cher et bon accueil garanti par le gérant qui parle un peu la langue (il n'empêche que je n'ai rien compris).
- si vous désirez vendre des completos devant El gringo, allez voir le serveur et si vous êtes d'accord de travailler 10 heures par jour pour 30 frs, il vous engagera c'est sûr...